Pendant la pause [Libre]

12 heures 30. Pause déjeuné. Enfin. Après une matinée remplie de paperasse, Eaque avait désespérément besoin d’une pause. Non parce que bon, certes, les dossiers, c’était important, c’était une part importante de son travail. Même si ceux qui arrivaient sur son bureau étaient déjà passé par les mains de ses subalternes avant. Certes, il s’acquit de ses tâches avec professionnalisme et tout et tout. Hors de question de bâcler Mais, car il y a toujours un mais, Eaque n’était pas un homme de bureau. Loin de là. Il préférait largement être dehors à courir après un suspect, voir le malmener un peu s’il résistait, et ils résistaient toujours. Voilà qui était une activité on ne peut plus réjouissante.

Mais là, rien. Pas un vol. Pas un meurtre. Pas même une petite mamie persuadée que son voisin voulait entrer chez elle pour la violer et la voler. Rien. Nada. Que dal. Calme plat, comme l’électrocardiogramme d’un cadavre. Franchement, tous les voyous et criminels avaient pris leurs vacances en même temps ou quoi ? Pour un peu, Eaque aurait embauché secrètement quelqu'un pour lui faire commettre un délit. Rien que pour lui permettre de lui courir après pour l’arrêter. C’était peut être radical. Mais il s’ennuyait. Et Eaque détestait s’ennuyer.

Alors dès que l’heure de la pause repas était arrivée, il avait quitté son bureau et les deux dossiers qui lui restaient à traiter et avait franchi les portes du commissariat, ses subordonnés s’écartant respectueusement, voir craintivement de son passage. Ils avaient rapidement appris qu’il valait mieux ne pas être sur le chemin de leur chef quand ce dernier était de mauvaise humeur. Question de survie. Seuls les masochistes ou les nouveaux s’y risquaient encore.

Une fois sortit, il avait marché, sans but précis, s’arrêtant juste pour acheter un sandwich. A la viande, le sandwich, ou ce n’était pas digne d’être appelé sandwich, à ses yeux. Et il était arrivé là, dans ce parc, où il mangeait son repas, assis sur un banc, son regard acéré parcourant l’espace qui l’entourait. Il y avait un peu de monde, mais c’était tout de même assez calme. Trop calme. Et les gens avaient tendance a éviter de passer trop près de lui ou à s’attarder. Il avait enlevé sa veste noire, posée à côté de lui, il avait aussi défait quelques boutons du col de sa chemise blanche, et avait ainsi une allure plus décontractée, mais visiblement, sa mauvaise humeur devait se voir.

- Bon sang, qui dois-je tuer pour avoir un peu d’action ?

Maugréer dans sa barbe inexistante ne changerait rien, il le savait, mais il espérait vraiment que quelque chose, quoi que ce soit, vienne le distraire de son ennui. Il était même près à grimper à un arbre pour faire descendre un chat, s’il le fallait !! Oh rage, oh désespoir, oh ennui ennemi !

Pfiou enfin un jour de repos ! La plupart des personnes avaient hâte d'arriver au week end et pouvoir enfin s'adonner à d'autres choses qu'au tracas professionnels. C'est vrai que ça faisait longtemps que Kanon n'avait pas eu droit à une journée et une nuit entière de congé, entre l'ouverture et la gérance du Golden Triangle il avait eu fort à faire, il y avait également toute une série de paperasse, de changement d'adresse à déclarer puisqu'il s'était de nouveau installé à San Rodorio après de longues années d'absence. Premier jour de repos donc...et premier jour d'ennui. D'habitude les soirs où le night-club fermait, Kanon inspectait les comptes, vérifiait les stocks, guettait les salles en quète d'une quelconque amélioration à apporter, sauf que là il avait décidé de lever le pied et de souffler pendant 24 heures, et que justement en dehors de s'occuper de ses affaires, il ne savait pas quoi faire de son temps. Pas d'ami, pas de famille -enfin si mais c'est comme si-, pas de vie personnelle réelle, d'ailleurs il n'en a pas la moindre envie une relation le freinerait et puis ce n'était tout simplement pas son truc. Il avait donc trainé dans le quartier commerçant jusqu'à ce qu'il la croise, l'élue, celle qui déclencha instantément une pulsion irrépressible et une réaction primaire "je la veux !" Cette ligne, cette prestance, ces courbes rondes qui captent le regard du pauvre malheureux qui s'y attarde, cette parure noire comme l'ébène et ces yeux luminescents d'un jaune vif. Il avait complètement craqué et peu importe le prix à payer il ne partirait pas sans elle ! Ainsi donc une petite heure plus tard, Kanon chevauchait sa belle, sa douce, sa merveilleuse Speed Triple Triumph flambante neuve.


Et il était fier de son acquisition, déja elle était belle -ça on l'a compris- mais elle était également maniable et lui ferait gagner un temps fou les jours de bouchons. Bon maintenant il fallait essayer ce petit bijou et il n'allait pas se faire prier pour le faire. Bien entendu dans la foulée il s'était procuré un casque et c'est avec celui-ci vissé sur la tête qu'il prennait le temps de redécouvrir la ville de son enfance. Ah la sensation de liberté, le vent qui vient fouetter les joues et soulever les cheveux, combien de temps avait duré cette ballade il ne saurait le dire, mais c'est alors qu'il avisait le grand parc que son estomac venait se rappeller à lui et le sortir de son trip à deux roues et il avait souvenir d'un petit snack qui servait des sandwichs, de mémoire il se souvenait qu'ils n'étaient pas terribles mais bon il avait faim et se trouvait relativement d'assez bonne humeur pour s'y risquer, allez juste pour le délire il allait se garer après un dérapage près du stand histoire de vérifier s'il avait toujours de bons réflèxes. Il avait passé son permis moto juste après son départ de San Rodorio et depuis c'était devenu une drogue, jusqu'au moment où il avait du revendre sa becane et revenir dans cette ville, certes il avait pensé à en acheter une nouvelle plusieurs fois mais jusque là il n'avait pas trouvé le temps, puis ça lui était sorti de la tête.



Ce n'est pas en l'espace de trois mois que l'on oublie des années de pratique, ainsi la manoeuvre fut éxécutée sans le moindre soucis même si le coté agressif du dérapage avait pu surprendre sur le coup. Installant la bequille il quittait sa monture avec un sourire satisfait, déposait son casque sur le guidon et allait se commander un sandwich. Finalement il n'était pas totalement à jeter ce jour de repos, bon c'est sur que s'assoir sur un banc en grignotant un sandwich à la viande et en regardant l'herbe et les petits oiseaux ça allait vite le gonfler, mais pour l'heure il appréciait. Jusqu'à ce qu'il n'eut plus rien à avaler et là à peine quelques secondes plus tard il se demandait déja ce qu'il foutait là. Il observait autours de lui, des passants pour la plupart, certains faisaient du jogging, oh tiens un type qui a l'air de s'emmerder autant que lui et qui a l'air autant à sa place dans ce calme qu'un tigre chez les canards. Il lui adressait un regard compréhensif, il se sentait un peu dans le même cas et cherchait désespérement de quoi occuper encore sa journée. Tiens d'ailleurs en parlant de canard, il y en avait dans le petit ruisseau à coté non? Mon pauvre Kanon, ton équipe te mène tellement la vie dure que t'en es à débusquer les canards des parcs pour avoir de quoi t'occuper quelques minutes. Après quelques minutes de recherche il finit par en repérer un vieux, tiens il lui rappellait Sion celui-là avec cet air un brin supérieur et indigné. Puis ce sont deux jeunes qui captaient son attention, l'un s'agitait pour attraper les miettes de pains lancées par les enfants, l'autre identique avançait de manière droite feignant d'ignorer le monde exterieur mais grapillant sa part lorsqu'il pensait que tout le monde avait les yeux tournés. Kanon se saisit d'un petit cailloux et le balançait sur le canard, oh pas de quoi le blesser juste lui faire peur et le faire fuir, sifflant entre ses dents.



"Tu trompes personne faux-jetons !"



Puis se rendant compte de l'abime de son ennui il se retournait et s'appuyait contre la rembarde en soupirant. Les problèmes à répétition du Golden Triangle lui manqueraient presque...

Bordel qu’il s’ennuyait !! Ce n’était pas possible, une journée pareille. Un beau ciel bleu, une température agréable, un calme formidable… Ouais, formidable ses fesses ! Comment diable les gens pouvaient-ils vivre des journées comme ça ? C’était pas humain, tout ce calme !! Bon d’accord, il avait peut être une conception personnelle et particulière de ce qui était « humain » ou non. Les gens normaux appréciaient la paix et le calme, loin de toute violence ou danger. Du moins, c’était ce que lui avait sorti le psy du commissariat, lors de leur dernière rencontre pour l’évaluation mensuelle. Au bout de la 10eme convocation, Eaque avait finalement décidé d’accorder ce plaisir à ce maudit psy. Pour qu’il lui lâche enfin la grappe. Bref, selon ce type, il n’était pas normal de ne pas savoir apprécier le calme et la sérénité de certains moments. Pff, qu’est-ce qu’il en savait, ce foutu bureaucrate à la noix ?

Sa mauvais humeur se renforçant comme une couche de glace en pleine ère glaciaire, Eaque remarqua à peine les jeunes filles qui passaient en lui adressant de regards appuyés. Il finit quand même par s’en rendre compte et les évalua d’un coup d’œil rapide. Mouais. Banales. Plates. Agaçante rien que de visu. En gros : inintéressantes au possible. Qu’elles aillent se chercher un gentil boutonneux en costume de chevalier servants, ça leur servirait plus que de jouer avec le feu en approchant un prédateur comme lui.

Un bruit attira peu après son attention. Le bruit parfaitement reconnaissable d’un crissement de pneu suite à un dérapage, contrôlé ou non. Les sens à l’affût, Eaque chercha des yeux la source du bruit. Y avait-il eu un accident? La réponse fut vite évidente : non. Un petit malin avait juste voulu faire son intéressant avec sa moto. Chouette la moto, n’empêche, d’après ce qu’il pouvait voir, perché sur son banc à bonne distance. Enfin bon, pas de problèmes à l’horizon, il pouvait retourner à son ennui, alors. Il suivit d’un œil distrait l’homme à la moto, de son passage au snack au moment où il posa se fesses sur un autre banc avant de commencer à manger son sandwich. Mouais, rein de passionnant. Jusqu’au moment où le type aux cheveux bleus termina son sandwich et arbora une expression qui donnait l’impression à Eaque de regarder dans un miroir. Visiblement, moto-man expérimentait le même ennui que lui. Comme quoi le commissaire n’était pas si anormal que ça. Dans les dents, le foutu psy.

Eaque attrapa le brownie qu’il avait acheté en même temps que son sandwich et planta les dents dedans, tout en recommençant à scruter les environs. Au passage, son regard croisa brièvement celui de l’autre, toujours sur son banc, et il eut l’impression d’y lire comme une… compréhension ? Cela voulait dire quoi ? Qu’il avait comprit que le commissaire s’ennuyait comme un rat mort et qu’il avait voulu lui dire qu’ils étaient dans la même galère? Pourquoi pas. Mordant une nouvelle fois dans son condensé de sucre, Eaque observa le type aux cheveux bleus se lever et s’approcher du point d’eau, un peu plus loin. Quoi, il n’allait quand même pas nourrir les canards? Nan, parce qu’il n’avait pas la tête du gamin attardé monté en graine qui faisait mumuse avec les zozios en riant et en poussant des cris surexcités. C’était pas n’importe quoi, Eaque avait réellement vu des adultes se comporter comme ça. Ça lui avait donné en vie de les couler la tête la première. Il était de mauvaise humeur après avoir perdu la trace d’un suspect, ce jour là.

Ah non, il était rassuré. Ce type préférait lapider les canards. Plus amusant et moins désespérant. Eaque hésita un moment. Puis il avala son dernier morceau de dessert, fit passer le tout avec la moitié de sa bouteille d’eau et se leva. Tant qu’à s’ennuyer, autant s’ennuyer à deux. Il balança sa veste sur son épaule et s’approcha de la barrière, venant s’y accouder à son tour, regardant l’eau devant lui.

«  On peut savoir ce qu’il vous a fait, ce pauvre canard, pour s’attirer tant de haine ? »

Non pas qu’il défende les droits des canards, loin de là. Il n’aimait pas ces bestioles. Tant qu’à aimer un piaf, autant regarder un aigle ou un faucon. Voir même un vautour, plutôt que ces foutus canards qui servaient à rien.

«  De toutes manières, ces volatiles sont trop stupides pour ne serait ce que penser, alors essayer de jouer la comédie, n’en parlons pas… »

Comment ça, ce n’était pas bien d’écouter le smots des autres qui ne lui était pas destinés? Bah, s’il ne voulait pas que quelque un fasse un commentaire, il n’avait qu’à pas parler à voix haute.

Qu'Eaque se rassure Kanon était bien loin de Soeur Theresa, nourrir les animaux, protéger les faibles, les opprimés et se réjouir d'avoir dispersé trois graines dans un étang, très peu pour lui. Non en fait Kanon était plutôt partisan du chacun sa merde, lui-même n'avait pas eu grand chose à la naissance et au final il ne s'en sortait pas si mal, alors s'il avait pu faire ça, un canard pouvait se demmerder pour becter. M'enfin il semblait qu'il avait vu juste concernant l'homme précédement installé plus loin dans le parc, c'était son don à lui : une grande perspicacité. Déformation professionnelle d'une activité antérieure peu racontable dirons-nous, Kanon Arlès était de ceux qui savait presque immédiatement à qui ils avaient à faire, oh bien sur il n'était pas infaillible et il pouvait se tromper, voir se retrouver face à des personnes insondables, mais son esprit rusé l'avait souvent sorti de ce genre de situation. Et puis là, il ne risquait rien n'est-ce pas? Il aurait peut-être également préféré observer un rapace plutôt qu'un bête canard, mais malheureusement à part la petite amie d'un badeau passée plus tôt, il n'avait rien trouvé qui y ressemblait, alors il faisait avec ce qu'il avait et se contentait de faire (Garuda) flop au canard hypocrite.


Son geste néanmoins avait eu le mérite de le faire sourire en coin, puis il avait glissé sa main dans l'intérieur de sa veste et en retirait une paire de lunettes noires qu'il glissait devant ses yeux. C'est vrai que pour une fois on pouvait le voir s'habiller de manière simple, un jean, des chaussures marrons, un t-shirt noir et une veste en cuir marron, pas de quoi taper à l'oeil, quoi que si c'était le but recherché il se serait dirigé ailleurs n'est-ce pas?

Il s'appretait à maudire cette journée et rebrousser chemin pour rejoindre sa petite merveille lorsqu'il entendit une voix non loin de lui, c'était l'homme de tout à l'heure, celui qui contrastait avec le reste de la populace qui lui adressait quelques mots. Et bien pourquoi pas, après tout il avait deviné qu'ils étaient tous deux dans la même situation, son interlocuteur avait du en faire de même. Les paroles du brun furent écoutées et agrées d'un nouveau sourire en coin, léger mais bien présent alors qu'il haussait à présent une épaule, répliquant d'une voix qui trahissait une certaine forme d'amusement.



"Il avait écouté aux portes, ça peut mettre en colère."



Le sourire s'accentuait alors qu'il se tournait désormais entièrement vers son interlocuteur. Grand, athletique et de toute évidence sur de lui, c'était assez rare pour être souligné, ce type là il le jurerait n'était pas le premier venu et pourtant s'il s'était rendu dans son club il s'en serait souvenu. Ou pas. Mais quelque chose lui disait qu'il pouvait s'avérer interessant de discuter un moment avec lui, et ça donnait quelque chose à faire alors Kanon reprit la parole.




"Enfin il a du faire ça pour chasser l'ennui."



Bien entendu il ne pensait pas du tout que son interlocuteur n'était pas assez fin pour ne pas faire le parallèle avec eux-mêmes, et l'amusement non-dissumulé de Kanon pouvait laisser déduire qu'il n'y avait pas de quoi là s'offenser. D'ailleurs plutôt que de poursuivre au sujet des canards, leur curiosité, leurs cailloux, leurs emmerdes, Kanon venait tendre sa main et se présenter.




"Kanon Arlès, inspecteur des canards curieux et vous?"



Ah bah s'il savait qu'il avait affaire à un vrai flic, ça l'amuserait d'autant plus. M'enfin perspicace n'est pas devin.

Un léger sourire en coin étira les lèvres d’Eaque en entendant la répartie de l’homme aux cheveux bleus. Pour plusieurs raisons. Déjà parce qu’apparemment, il avait pensé juste en se disant que l’autre accepterait peut être de tuer son ennui avec lui. En effet, son vis à vis ne l’avait pas envoyé paître et était au contraire entré dans le jeu. Ce qui faisait l’autre raison du léger amusant d’Eaque. Comme il l’avait pensé, l’inconnu n’était pas un bon samaritain ayant eu un soudain excès de violence inexpliquée envers un pauvre petit canard innocent. Il semblait avoir un minimum de caractère, à première vue, et cela était loin de déranger le commissaire. Rien n’était plus ennuyeux qu’un bon petit gars droit comme un piquet. Bon d’accord, vu sa profession, il ne devrait pas penser ça. Mais bon, dans sa tête, il pouvait bien pensait ce qu’il voulait.

«  C’est en effet un manque de savoir vivre tout à fait honteux… »

Un peu d’ironie s’était glissée dans s phrase Il se doutait bien que les paroles de son vis-à-vis ne concernaient pas seulement le canard, et Eaque se demanda s’il devait mal prendre le parallèle entre lui et l’oiseau. Mais l’amusement qu’il percevait chez son interlocuteur lui permit de continuer lui aussi à prendre tout ça à la plaisanterie. L’autre ne cherchait pas à le mettre en rogne. Et puis bon, il devait aussi avouer qu’il l’avait un peu cherché. Lui n’aurait pas forcément apprécié de découvrir que quelque un avait joué les indiscrets en écoutant des paroles privées. Mais bon, faîtes ce que je dis, pas ce que je fais, n’est-ce pas? 

«  Cela peut constituer une circonstance atténuante, en effet… Que ne ferrait-on pas pour un peu de distraction, parfois ? »

Question théorique mais parfaitement d’actualité, dans leur cas. Ce qui fit s’étirer un peu plus le sourire en coin d’Eaque. Et une légère lueur prédatrice brilla dans son regard tandis qu’il observait de prêt et de face son interlocuteur. Oh, cela ne dira qu’un bref instant, même pas une demie seconde. Eaque savait se contrôlait et dissimuler ce qu’il pensait. Mais bon, il devait avouer que son vis-à-vis était on ne peut plus à son goût. Peut être quelques centimètres en trop peut être, car Eaque n’appréciait pas trop ne pas être le plus grand. Mais bon, l’autre ne le dépassait pas de beaucoup, peut être même pas 3 centimètres alors pas de quoi faire un cinéma. Mais bon, Eaque classa tout ça dans un coin de son esprit. Il attendrait de connaître les tendances de son vis-à-vis, avant d’envisager de développer ce genre de pensées. Eaque avait beaucoup de défauts, mais il ne s’imposait pas aux mecs hétéros pur souches et bien ancrés dans leurs convictions. Bon, c’était amusant, parfois, mais il ne forçait personne.

Il remisa donc tout ça dans un coin de sa tête et observa la main tendue. S’il était légèrement surpris de ces présentations directes, même si humoristiques, il n’en laissa rien paraître, étirant juste un peu plus son sourire, exprimant ainsi son amusement. Sans oublier que le mot « inspecteur » le faisait bien rire, vu sa profession à lui. Il tendit la main à son tour et serra fermement celle de Kanon. Rien d’agressif là dedans, mais il avait toujours était adepte des bonnes poignées de mains. Tant qu’à faire, autant le faire bien.

« Eaque Lazaridis, commissaire à la BPDCI, ou, pour les néophytes, Brigade Protectrice Des Canards Innocents. »

Il ponctua sa phrase d’un léger et bref rire moqueur. Il n’avait pas vraiment menti. Il était bien commissaire et les citoyens pouvaient bien être comparés à des canards, ou à des agneaux, pour le plus innocents en tout cas. Eaque attendit de voir la réaction de Kanon. Ce dernier ne semblait pas le connaître de visu, mais son nom pourrait être lui parler. Sauf s’il n’avait jamais rien fait dans cette ville justifiant une présence policière, à savoir note ment la sienne puisqu’il adorait aller sur le terrain. Pour sa part, Kanon ne lui rappelait rien. Oh, certes, son nom lui disait vaguement quelque chose. Mais il arrivait pas pour le moment à le replacer dans le contexte. Ce qui voulait dire que ce dernier n’avait jamais eu à faire aux forces de l’ordre, dans cette ville tout du moins, et c’était le plus important pour le moment.

«  Eh bien cela rapporte plus que ce que je pensais, ce genre de boulot. Très jolie bécane… Flambant neuve, en plus, à ce que je vois… »

Ce disant, il indiqua d’un geste de la tête la moto de Kanon garée plus loin. En effet, ce petit bijoux devait coûter une coquette somme. Oh, le commissaire aurait très bien pu se l’acheter aussi, s’il l’avait voulu. Il gagnait assez bien sa vie, sans compter quelque petits extraits familiaux. Non pas que son paternel ne lui fournisse une quelconque somme d’argent mensuelle, pourquoi le ferrait-il alors que son fils indigne avait claqué la porte de la maison en refusant de se plier à ses exigence quant à son avenir. Mais Eaque avait quand même récupéré quelques économies qu’il avait su faire fructifier Comme quoi les cours barbants sur l’économies et les finances que son père lui avait fait suivre avaient eu quelques bons côtés…

Enfin bref, tout cela pour dire qu’il éprouvait une légère pointe de curiosité bienvenue. Oh, il pourrait très bien se renseigner lui-même sur Kanon ensuite, et retrouver toutes les informations le concernant, de sa naissant à aujourd’hui, mais bon, c’était plus sympa pour le tuer le temps d’aller à la pêche aux infos ainsi.

Désolé pour le retard, la grippe A, la crise économique, les pères noël dans la rue tout ça )



Et bien si sur le papier on pouvait craindre une réaction électrique entre ces deux protagonistes, en situation on pouvait s'apercevoir que le premier contact se déroulait plutôt bien. On avait -heureusement- pu éviter les comparatifs de leurs fiertés masculines jusque là et c'est même avec une forme de complicité que les deux victimes de l'ennui s'étaient retrouvées à discuter ensemble, puis à se présenter. Une poignée de main ferme et décidé, ça plaisait bien à Kanon, il était habitué à s'adapter à ce genre d'exercice selon la personne qu'il avait en face, tout d'abord car fut une époque où son compte en banque était moins garni et où il fut amené à user de son bagout pour pigeonner gentiment quelques personnes qu'il avait pu juger utiles. Ensuite parceque dans son activité professionnelle actuelle, lorsqu'un client jugé très important se présentait la moindre des choses était que le patron l'accueuille lui-même, et dieu sait qu'on en croise de tous les genres dans le milieu huppé de la nuit. Ainsi donc Eaque confirmait la première impression du grec à son sujet, jeune, dynamique, volontaire et determiné, à première vue Kanon dirait même que son interlocuteur était du genre à vouloir mener la barque, interessant. D'ailleurs lors des présentations la remarque du commissaire ne manqua pas de l'amuser alors qu'il sifflait entre ses dents.



"Tsss j'aurais du dire président."



Ou dieu, mais là ça aurait donné dans le ridicule. Bref, il n'avait de toute évidence pas connaissance du fait qu'il avait réellement un commissaire en face de lui, non pas que cela aurait changé grand chose, quoique....si en fait, il y aurait eu un brin de suspicion dans l'air mais pour le moment il n'en est pas encore à recourir à son droit de conserver le silence non? Néanmoins, nul besoin de connaitre l'état civil de monsieur Lazaridis pour se douter que tout ce que l'on pourrait dire sera retenu contre vous, il en allait de même chez Kanon Arlès, c'est ce qui rend les choses interessantes parait-il. Donc non de son aveu, Kanon n'était pas réellement un défenseur de la vie privée de nos chers citoyens face à la menace des canards, néanmoins l'amusement affiché face à son interlocuteur était réel et puis ça changeait de la bande de tarés qu'il emploie, de la gamine erotomane qui l'imagine en prince charmant platonique et de son ex-femme aussi venale que dangereuse. Enfin une personne normale? Un peu tôt pour le dire.
Une chose était sure en tout cas, ils avaient des gouts en commun, car ce n'est pas Kanon qui allait contredire son vis-à-vis concernant sa sublime acquisition, un petit sourire satisfait ourlé au coin des lèvres il retirait ses lunettes pour mieux caresser des yeux la rutilante moto parquée plus loin. Celle-là au moins ne lui réclamerait pas de pension alimentaire et quand elle faisait du bruit c'était toujours pour le satisfaire.




"C'est vrai, je viens à peine de me l'acheter. Dès que je l'ai vue, j'ai craqué. Il faut bien se faire plaisir de temps en temps n'est-ce pas?"




D'autant plus que ça n'arrivait pas très souvent, enfin le club était rentable il pouvait se le permettre à présent. Par contre, pour ce qui est de son casier judiciaire et bien...si Eaque le consulte un jour il pourrait peut-être faire preuve de curiosité. On peut noter ci et là quelques gardes à vues ainsi que deux ou trois accusations d'escroqueries qui se sont terminées par des non-lieux fautes de preuves il y a une dizaine d'années ici même, puis plus rien. Il a totalement disparu de la surface de Rodorio il y a six ans et la seule preuve de vie fut un mariage célébré il y a deux ans dans un chapelle du Nevada et un retour il y a quelques mois à San Rodorio avec suffisament de fonds pour monter le projet de devenir propriétaire de son night-club ainsi que d'un duplex de grand standing. Mais encore faudrait-il se renseigner n'est-ce pas? Pour l'heure ce n'est pas la conversation actuelle qui risque d'eveiller quelques soupsons -infondés-.



"Et vous, vous roulez en quoi?"



Dis moi en quoi tu roules je te dirai qui tu es. Il faut admettre qu'Eaque n'a pas une tête à utiliser les transports en commun, mais on peut se tromper.

(désolée à mon tour, j'ai également pris mon temps.^^". Et aussi, je ne m'y connais pas en voiture, j'ai juste choisi des modèles vus sur les sites et me plaisant^^")

La situation imprévue amusait beaucoup Éaque. Lui qui jusqu'à présent s'ennuyait beaucoup, voilà qu'il revenait de trouver une occupation tout à fait satisfaisante. Sans compter que l'inconnu, ou plutôt Kanon, semblait avoir un sens de l'humour pouvant rivaliser avec le sien. Que demander de plus pour aucune paix ce temps de pause ? Certes, en y réfléchissant bien, il pourrait sûrement trouver quelque chose. Mais pour le moment, la situation lui convenait. Son sourire s’étira légèrement en entendant la réponse de Kanon.

« Président, rien que ça ! Il est certain que là je n’aurais pas pu dire mieux ! »

Il laissa échapper un bref rire. Non là, effectivement, surenchérir aurait fait parti du jeu, mais il aurait dû mentir sur son statut. Et jusqu'à maintenant, l'amusement consistait justement dans le fait qu'il n'avait pas menti à son sujet. Juste joué légèrement avec les mots. C'est ce qui était réellement amusant. Ses jeux de mots et d'esprit le changeait agréablement de ce qu'ils vivaient tous les jours avec ses collègues. Rares étaient ceux à pouvoir jouer avec lui à ce niveau. Non pas qu'il soit tous bêtes, mais la plupart n'avaient pas inventé l'eau chaude. Enfin, ce n'était pas bien de dire du mal des collègues. Méchant Eaque, méchant ! Comme si cela avait la moindre importance pour lui ! Non, pour le moment, tout cela n'avait pas la moindre importance. Il valait mieux rester concentré sur le présent. Et les sur le spécimen particulièrement intéressant qui lui faisait face.

Eaque changea ensuite de sujets, désignant la moto de Kanon. Comme tous les hommes, Eaque était un amateur de belles mécaniques, et il ne pouvait s'empêcher d'apprécier le bolide. Et d'en faire la remarque, en toute honnêteté, à l'heureux propriétaire.

« Vous m'en direz tant… C'était un sacré bébé sur lequel on ne peut craquer. Encore faut-il avoir les moyens de se l'acheter... Mais je vois que vous ne devez pas avoir de problème de ce côté-là. »

Son sourire amusé s’étira à nouveau légèrement. En effet, pour se payer ce petit bijou sur un caprice, Kanon ne devait pas avoir de problèmes d'argent. Mais bon, Eaque était très mal placé pour parler. Il était loin d'être le dernier fauché du coin. Sans être milliardaire non plus. Mais il devait reconnaître qu'il gagnait assez bien sa vie. Ca plus ses placements... Enfin bon, il était loin d'être dans le besoin. C'était le plus important en retenir. Un instant, Eaque a tenté de jeter un coup d'oeil sur la situation de Kanon, aussitôt rentré au commissariat. Histoire de savoir ce que ce monsieur faisait dans la vie. Curiosité ou déformation professionnelle, allez savoir. Le résultat était de toute manière le même. L'idée trotta pas dans son esprit un moment, jusqu'à ce qu'il la mette de côté. Il allait y réfléchir. Pour le moment, Kanon lui posait une question et il valait mieux qu'il y répondre. Histoire de ne pas passer pour un idiot qui n'écoutait pas les conversations. Ça ne le ferait pas, quand même !

« Ce que je conduis ? Laissez-moi réfléchir... »

Eaque porta la main à son menton, et fit mine de réfléchir. Il laissa planer le silence quelques instants, renforçant son jeu d'acteur. Puis, tout en levant les yeux au ciel faisant toujours de réfléchir sérieusement, il commença à fournir une réponse.

« Disons que pour travailler, je prends ma Renault Fluence. C'est plus pratique. Le reste du temps... Ça dépend de ce que je veux faire. En voiture, j’apprécie ma BMW Z4 Roaster. Et en moto... Disons que cela fait longtemps que je ne me suis pas payé un nouveau bébé. Il faudrait que je retourne au garage prochainement. Quand j'aurai le temps. Et les moyens. »

Eaque prit une expression de notre, légèrement embêté, comme si l'argent était vraiment un problème. Ce n'était que de la comédie, et le petit sourire amusé qu'il flottait toujours sur ses lèvres en témoigner. Il avait décidé de laisser son sérieux de côté, pour une fois n'avait pas de rabats joie sur le dos. Et il était en pause. Alors zut. Le grand méchant commissaire, ce serait pour plus tard. Il reporta ensuite son regard sur Kanon.

« Vous n'auriez pas vu d'autre bébé qui pourrait faire l'affaire ? Quand vous avez acheté votre bolide ? Sait-on jamais, que je trouve mon bonheur... »

Un cri et attira soudain son intention. Il se retourna, évite une petite vieille qui criait après un jeune homme qui venait visiblement de lui pour voler son sac. Et le voyou courait dans leur direction. Eaque poussa un soupir théâtral. Visiblement, sa pause était finie. Mais rapidement, un sourire prédateur étira ses lèvres.

« Si vous voulez bien m'excuser un moment... »

Puis, tranquillement, il s'avança de quelques pas, se plaçant sur le chemin voleur. Et, toujours aussi tranquillement, il bougea juste au moment où le voleur de le dépasser, lui faisant un habile croc-en-jambe. Le jeune voyou, qui ne s'y attendait visiblement pas, se retrouva alors au sol. D'un mouvement rapide et précis, Eaque attrapa ses poignées et immobilisa ses bras dans son dos. Laurent les cris d'indignation et de douleur du jeune homme, il le maintint d'une main, récupéra le sac de la vieille dame, prenant soin de rendre son étreinte douloureuse, même si légèrement, pour faire passer le message au jeune délinquant. On ne commettait pas de vol sous ses yeux. Non mais ! La vieille dame vint récupérer son bien, le remerciant chaleureusement. Eaque lui fit comprendre que c'était normal, et lui conseilla de faire attention à ses affaires par la suite. Il releva ensuite le jeune délinquant le maintenant toujours les mains derrière le dos, se demandant ce qu'il allait faire de lui à présent. Devait-il rentrer au commissariat pour le faire arrêter lui-même ? Voilà qui l’agaçait sérieusement. Sa pause n'était pas terminée. Lui qui voulait un peu d'action, pourquoi maintenant qu’il avait trouvé une autre source d’occupation ?

Heureusement pour lui, un de ses subalternes passa à ce moment a apporté du parc. Eaque n’hésita pas, ravi de l’aubaine et traîna le voleur jusqu'à lui. D'un regard, Eaque lui fit comprendre à l'officier de ne rien dire pouvant griller sa couverture. Ce dernier supplia docilement aux instructions muettes de son chef, ne souhaitant pas s'attirer sa colère. Satisfait, Eaque lui confia le jeune homme en expliquant ce qui s'était passé. Puis, débarrassé de sa charge, Eaque revint auprès de Kanon.

« Voilà, ou en étions-nous ? »

Son sourire avait retrouvé une part de son amusement, et une lueur prédatrice brillait encore dans son regard...